Le 26/06/2024 à 15:01

La Bâthie Décès de deux agents routiers en 2022 : « Depuis l’accident, ma vie est un combat, je n’ai pas commencé mon deuil »

Le 2 mars 2022, deux agents de la DIR Centre-Est (Direction Interdépartementale des routes) trouvent la mort sur la RN90. En pleine opération de sécurisation, Raoul Martin et Emmanuel Houillon sont renversés par un automobiliste à la hauteur de La Bâthie. 28 mois plus tard, Morgane, la belle-fille de Manu, sa maman Catherine, la femme de Manu et deux agents de la DIR Centre-Est, anciens collègues se retrouvent autour de la stèle érigée sur les lieux du drame. Entre mots et larmes, ils racontent leur souffrance et ce sentiment terrible d’avoir été abandonnés par l’état.

La nouvelle est enfin tombée, portée par des lames de silence : deux ans et demi après les faits, l’auteur de l’accident va être présenté au mois d’octobre devant le tribunal correctionnel d’Albertville pour homicide involontaire. Un soulagement pour Morgane : « Depuis l’accident, ma vie est un combat, je n’ai pas commencé mon deuil. Je n’attends pas d’amende ou de peine de prison, je veux juste pouvoir tourner la page et ouvrir un nouveau chapitre de ma vie ». Sa maman, émue, livre : « Je suis terrifiée, il va falloir que j’apprenne à accepter de voir cette personne, de le regarder sans lui crier tout le mal qu’il nous a fait. J’ai énormément de souffrance en moi, j’aimerais qu’il puisse la ressentir » Les deux femmes ajoutent : « Depuis deux ans et demi, il est présumé innocent, nous demandons juste une reconnaissance de sa culpabilité ». L’auteur de l’accident ne les a jamais appelées. Ne s’est jamais excusé. Pas un mot.

Et guère plus de l’Etat et de la hiérarchie. Pire. Catherine a appris le décès d’Emmanuel par les réseaux sociaux : « Ses responsables n’ont pas pu ou voulu me le dire ». Et au mois de juillet 2023, elle reçoit un courrier de la DIRCE qui lui annonce que son mari est inapte au travail et qu’il ne pourra plus travailler pour eux : « Ils se sont confondus en excuses, mais j’ai pris ça pour de la maltraitance, pas pour un simple couac ».

« Vais-je rentrer ce soir ? »

Catherine et ses filles, Morgane, Laura et Romane, ont eu le soutien indéfectible des anciens collègues de Manu… mais très peu d’aide de l’état. Alors elles ont décidé de transformer le négatif en positif en créant le collectif « pour les familles des agents des routes et autoroutes tués en service » : « Nous allons assumer le travail que l’Etat ne fait pas et aider les familles dans la douleur à surmonter les épreuves ».

Vincent et Thierry ont les yeux qui brillent en écoutant les deux femmes. Après le drame, le ministre est venu, des panneaux ont été déposés… mais guère plus  « Les gens ne sont pas assez sensibilisés à la fragilité des employés sur la route. Faute de moyens mis en œuvre, la prévention est insuffisante. Quant à la répression, pour les mêmes raisons, il y a moins de surveillance. Chaque jour nous sommes les observateurs d’usagers de la route inconscients des dangers auxquels ils nous exposent et s’exposent eux-mêmes». « Avant, explique Thierry, quand je partais au travail, il y avait une crainte diffuse. Désormais, c’est une peur de tous les jours. Vais-je rentrer ce soir ? J’ai cette chance, pas mes collègues ». 

Et tous les quatre, à leur manière vont prolonger la mémoire d’un père, un mari, un compagnon de travail. Pour qu’on ne les oublie pas.

Johan Fabin

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