Nicolas, patron d'un bar hôtel

Le 07/06/2024 à 14:13

Modane Le sort s'acharne sur le commerce local

Ils ont subi le covid, encaissé l’inflation et depuis le 27 août 2023, les acteurs économiques de la commune doivent composer avec l’éboulement qui a coupé route nationale et voie ferrée. La goutte de trop.
Devant son enseigne, un restaurateur échange avec son comptable… interpellé sur l’état du commerce à Modane, il s’exclame « Nous en parlions justement, c’est dramatique ! Tous les commerces sont en baisse, et pas seulement à cause du train qui ne s’arrête plus. Comme la nationale est fermée, les ouvriers du Lyon-Turin qui veulent venir faire leurs courses ici sont obligés de descendre à Saint-Michel pour récupérer l’autoroute et rejoindre la commune. Vous imaginez bien que peu le font ! » L’homme n’est pas fataliste, on le sent déterminé à se battre pour son commerce, mais comme tous ses collègues, il souligne un contexte extrêmement défavorable : « Vous ajoutez cet éboulement à une conjoncture économique compliquée et vous avez un aperçu de ce que nous devons surmonter. Il n’y a pas de solution sinon compter sur l’aide mise en place par la région » Seulement, dit-il, si elle a le mérite d’exister, elle n’est pas adaptée : « Elle équivaut au versement de 10.000 euros par commerçant sur toute la période de fermeture. Seulement, elle est conditionnée à une baisse de 30% du chiffre d’affaire. 30%, ça veut dire que vous êtes morts. Et puis beaucoup de boutiques enregistrent des pertes de 20 à 25% et ne toucheront donc rien ». Selon lui, la saison d’été va permettre de remonter un peu la pente. « Mais, prévient-il, si la fermeture se poursuit au-delà d’octobre comme c’est prévu, on sera vraiment en grande difficulté ».

"On nous a enfumé avec des effets d'annonce"
Nicolas tient un hôtel-bar en face de la gare, il est bien moins diplomate que son confrère, le rejoignant sur un point « 30% de perte, un ou deux mois, c’est supportable. Davantage, tu fermes ! Ces messieurs de la région sont venus nous enfumer avec des effets d’annonce mais ils n’y connaissent vraisemblablement rien au commerce ! Moi cette aide, elle équivaut à me donner 500 euros par mois, or sur l’hôtel, c’est ce que je perds chaque jour. Heureusement que j’arrive à compenser un peu avec le bar ». Mais ce qui le met le plus en colère, c’est la durée de la fermeture de la ligne de chemin de fer : «  J’ai travaillé pendant 25 ans à la SNCF. Je me souviens d’un chantier qui a duré 4 ans dans le tunnel du Lyon-Turin, jamais la liaison n’a été fermée, les trains passaient à vitesse réduite. Là, ils auraient très bien pu remettre en route la voie en quelques semaines… Mais non, on pousse la prudence à l’extrême, tant pis pour nous, du moment que les décideurs continuent à toucher tranquillement leurs salaires ! »
Une commerçante écoute la question, et accompagne d’un petit sourire un geste de résignation : « Tout se surmonte ». Tout se surmonte ? Guven l’ignore. Il parle d’une baisse de 30 à 40 % pour lui et certains de ses collègues, « et pour moi, c’est d’autant plus compliqué que j’ai fermé une partie de 2022. Ce qui complexifie la possibilité de toucher l’aide ». Alors il s’est séparé d’employés, tout en soulevant une autre équation insoluble : « Licencier coûte cher… et trouver des salariés est très difficile, je peine à trouver la bonne formule pour faire face à une fréquentation excessivement fluctuante. Un soir on n’a personne, l’autre le restaurant est plein ! »

Réouvertures programmées à l'automne
Jean-Claude Raffin, maire de la commune, s’harmonise avec les commerçants, consentant une période « pas simple avec une accumulation de choses que nous pouvions difficilement prévoir et qui s’acharnent sur l’économie locale » : « Les gens situés en aval, cite-t-il en exemple, ne viennent plus. La difficulté, c’est que si on change de commerçant pendant un mois, ça va. Plus longtemps, ça devient compliqué de capter à nouveau la clientèle perdue ». Reconnaissant que la prime versée par la région est difficile à capter, il souligne les initiatives mises en place par la commune : annulation de la redevance pour les terrasses ; aides aux taxis, au regroupement des commerçants, « la communauté de communes abonde également l’aide de la région que très peu de commerçants ont pu malheureusement toucher »  Il enchaîne, « Mais tout cela reste symbolique et ne suffira peut-être pas à sauver les plus fragiles ».  
Au calendrier, le TGV côté italien reviendra à Modane dès cet été, à raison d’un train par jour. Si tout se passe bien, la voie ferrée rouvrira fin novembre, la nationale un mois plus tard. Les commerçants vont devoir prendre leur mal en patience.  
Johan Fabin

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